Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/25

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puérile : c’eſt comme une écume qu’elle rejette & laiſſe au loin ſur le rivage de la mer théologique ; &, ſi l’on me permet de continuer de parler métaphoriquement, j’oſerois dire que tous les rayons qui partent du ſein de la nature, fortifiés & comme réfléchis par le précieux miroir de la philoſophie, détruiſent & mettent en poudre un dogme qui n’eſt fondé que ſur la prétendue utilité morale dont il peut être. Quelle preuve en demandez-vous ? Mes ouvrages même, puiſqu’ils ne tendent qu’à ce but, ainſi que tant d’autres beaucoup mieux faits, ou plus ſavans, s’il faut l’être pour démontrer ce qui ſaute aux yeux de toutes parts : qu’il n’y a qu’une vie, & que l’homme le plus ſuperbe les établit en vain ſur une vanité mortelle comme lui. Oui, & nul ſage n’en diſconvient, l’orgueilleux monarque meurt tout en entier, comme le ſujet modeſte & le chien fidele : vérité terrible, ſi l’on veut, mais pour ces eſprits dont l’enfance eſt l’âge éternel ; ces eſprits auxquels un fantôme fait pour ; car elle ne laiſſe pas plus de doute que de crainte chez ceux qui ſont tant ſoit peu capables de réfléchir ; chez ceux qui ne détournent pas la vue de ce qui la frappe à chaque inſtant d’une façon ſi vive & ſi claire ; chez ceux enfin qui ont acquis, pour le dire ainſi, plus de maturité que d’adoleſcence.