Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/30

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avancent, ſans ſe donner la peine de raiſonner ; ils veulent enfin qu’on s’en rapporte à dieu : & leurs foudres ſont prêts à ecraſer & réduire en poudre quiconque eſt aſſez raiſonnable pour ne pas vouloir croire aveuglément tout ce qui révolte le plus la raiſon. Que les philoſophes ſe conduiſent plus ſagement ! Pour ne rien promettre, ils n’en ſont pas quittes à ſi bon marché ; ils payent en choſes ſenſées & en raiſonnemens ſolides, ce qui ne coûte aux autres que du poumon & une éloquence auſſi vuide & auſſi vaine que leurs promeſses. Or le raiſonnement pourroit-il être dangereux, lui qui n’a jamais fait ni enthouſiaſte, ni ſecte, ni même théologien ?

Entrons dans un plus grand détail, pour prouver plus clairement que la philoſophie la plus hardie n’eſt point eſſentiellement contraire aux bonnes mœurs, & ne traine en un mot aucune ſorte de danger à ſa ſuite.

Quel mal, je le demande aux plus grands ennemis de la liberté de penſer & d’écrire, quel mal y a-t-il d’acquieſcer à ce qui paroît vrai, quand on reconnoît avec la même candeur, & qu’on ſuit avec la même fidélité ce qui paroît ſage & utile ? A quoi ſerviroit donc le flambeau de la phyfique ? A quoi bon toutes ces curieuſes obſervations ? Il faudroit éteindre l’un, & dédaigner les autres ; au lieu d’encourager, comme font les plus grands