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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/31

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princes les hommes qui ſe dévouent à ces laborieuſes recherches ! Ne peut-on tâcher de deviner & d’expliquer l’eniqme de l’homme ? En ce cas, plus on ſeroit philoſophe, plus, ce qu’on n’a jamais penſé, on ſeroit mauvais citoyen. Enfin quel funeſte préſent ſeroit la vérité, ſi elle n’étoit pas toujours bonne à dire ? Quel apanage ſuperflu ſeroit la raiſon, ſi elle étoit faite pour être captivée & ſubordonnée ? Soutenir ce ſyſtême, c’eſt vouloir ramper, & dégrader l’eſpece humaine : croire qu’il eſt des vérités qu’il vaut mieux laiſſer éternellement enſevelies dans le ſein de la nature, que de les produire au grand jour, c’eſt favoriſer la ſuperſtition & la barbarie.

Qui vit en citoyen, peut écrire en philoſophe.

Mais écrire en philoſophe, c’eſt enſeigner le matérialiſme ! Eh bien ! quel mal ! Si ce matérialiſme eſt fondé, s’il eſt l’évident réſultat de toutes les obſervations & expériences des plus grands philoſophes & médecins ; fi l’on n’embraſſe ce ſyſtême, qu’après avoir attentivement ſuivi la nature, fait les mêmes pas aſſidument avec elle dans toute l’étendue du regne animal, & pour ainſi dire après avoir approfondi l’homme dans tous ſes âges & dans tous ſes états ? Si l’orthodoxe ſuit le philoſophe plutôt qu’il ne l’évite ; s’il ne cherche ni ne forge exprès ſa doctrine, s’il la rencontre en quelque ſorte, qu’elle ſe trouve à la fuite de ſes