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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/32

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recherches & comme ſur ſes pas, eſt-ce donc un crime de la publier ? La vérité même ne vaudroit-elle donc pas la peine qu’on ſe baiſſât en quelque ſorte pour la ramaſſer ?

Voulez-vous d’autres argumens favorables à l’innocence de la philoſophie ? Dans la foule qui ſe préſente, je ne choiſirai que les plus frappants.

La Motte le Vayer a beau dire que la mort eſt préférable à la mendicité ; non-ſeulement cela ne dégoûte point de la vie ces objets dégoûtants de la pitié publique, (eh ! quel ſi grand malheur, s’il étoit poſſible que ces malheureux, acceſſibles à cette façon de penſer, délivraſſent la ſociété d’un poids plus qu’inutile à la terre) ! mais quel eſt l’infortuné mortel, qui du faite de la fortune, précipité dans un abyme de miſere, ait, en conſéquence de cette propoſition philoſophique, attenté à ſes jours ?

Les Stoïciens ont beau crier : ſors de la vie, ſi elle t’eſt à charge ; il n’y a ni raiſon, ni gloire à reſter en proie à la douleur, ou à la pauvreté ; délivres-toi de toi-même, rends-toi inſenſible, comme heureux, à quelque prix que ce ſoit. On ne ſe tue pas plus pour cela, qu’on ne tue les autres ; & on n’en vole pas davantage, ſoit qu’on ait de la religion, ſoit qu’on n’en ait pas. L’inſtinct, l’eſpérance (divinité qui ſourit aux malheureux, ſentiment qui meurt le dernier dans l’homme), & la