Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/36

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putes, d’erreurs, de haines & de contradictions, a enfanté la fameuſe queſtion de la liberté, ou du fataliſme ! Ce ne ſont que des hypotheſes cependant. L’eſprit borné, ou illuminé, croyant à la doctrine de mauvais cahiers qu’il nous débite d’un air ſuffiſant, s’imagine bonnement que tout eſt perdu, morale, religion, ſociété, s’il eſt prouvé que l’homme n’eſt pas libre. L’homme de génie au contraire, l’homme impartial & ſans préjugés, regarde la ſolution du problême, quelle qu’elle ſoit, comme fort indifferente, & en ſoi, & même eû égard à la ſociété. Pourquoi ? C’eſt qu’elle n’entraîne pas dans la pratique du monde les relations délicates & dangereuſes, dont ſa théorie paroît menacer. J’ai cru prouver que les remords ſont des préjugés de l’éducation, & que l’homme eſt une machine qu’un fataliſme abſolu gouverne impérieuſement : j’ai pu me tromper, je veux le croire : mais ſuppoſe, comme je penſe ſincerement, que cela ſoit philoſophiquement vrai, qu’importe ? Toutes ces queſtions peuvent être miſes dans la claſse du point mathématique, qui n’exiſte que dans la tête des géomètres, & de tant de problemes de géométrie & d’algèbre, dont la ſolution claire & idéale montre toute la force de l’eſprit humain ; force qui n’eſt point ennemie des loix, théorie innocente & de pure curioſité, qui eſt ſi peu reverſible à la pratique, qu’on n’en peut faire plus