Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/37

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d’uſage, que de toutes ces vérités métaphyſiques de la plus haute géométrie.

Je paſſe à de nouvelles réflexions naturellement liées aux précédentes, qu’elles ne peuvent qu’appuyer de plus en plus.

Depuis que le Polythéiſme eſt aboli par les loix, en ſommes-nous plus honnêtes gens ? Julien, apoſtat, valoit-il moins que chrétient ? En étoit-il moins un grand homme, & le meilleur des princes ? Le chriſtianniſme eût-il rendu Caton le cenſeur moins dur & moins féroce ? Caton d’Utiqne moins vertueux ? Cicéron moins excellent citoyen ? &c. Avons-nous, en un mot, plus de vertus que les païens ? Non, & ils n’avoient pas moins de religion que nous ; ils ſuivoient la leur, comme nous ſuivons la nôtre, c’eſt-à-dire fort mal, ou point du tout. La ſuperſtition étolt abandonnée au peuple & aux prêtres, croyants[1] mercenaires ; tandis que les honnêtes gens, ſentant bien que pour l’etre la religion leur étoit inutile, s’en moquoient. Croire un dieu, en croire pluſieurs, regarder la nature comme la cauſe aveugle & inexplicable de tous les phénomenes ; ou ſeduit par l’ordre merveilleux qu’ils nous offrent, reconnoitre une intelligence ſuprême, plus incompréhenſible encore

  1. Pour la plupart.