Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/38

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que la nature ; croire que l’homme n’eſt ; qu’un animal comme un autre, ſeulement puis ſpirituel ; ou regarder l’ame comme une ſubſtance diſtincte du corps, & d’une eſſence immortelle : voilà le champ où les philoſophes ont fait la guerre entr’eux, depuis qu’ils ont connu l’art de raiſonner ; & cette guerre durera tant que cette reine des hommes, l’opinion, régnera ſur la terre ; voilà le champ où chacun peut encore aujourd’hui ſe battre, & ſuivre, parmi tant d’étendards, celui qui rira le plus à ſa fortune, ou à ſes préjugés, ſans qu’on ait rien à craindre de ſi frivoles & ſi vaines eſcarmouches. Mais c’eſt ce que ne peuvent comprendre ces eſprits qui ne voient pas plus loin que leurs yeux : ils ſe noient dans cette mer de raiſonnemens. En voici d’autres qui par leur ſimplicité ſeront peut-être plus à la portée de tout le monde.

Comme le ſilence de tous les anciens auteurs prouve la nouveauté de certain mal immonde, celui de tous les écrivains ſur les maux qu’auroit cauſés la philoſophie (dans la ſuppoſition qu’elle en cauſe ou en peut cauſer), dépoſe en faveur de ſa bénignité & de ſon innocence.

Quant à la communication, ou ſi l’on veut, à la contagion que l’on craint, je ne la crois pas poſſilble. Chaque homme eſt ſi fortement convaincu de la vérité des principes dont on a imbu, &