Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/39

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Préliminaire. 23

comme abreuvé Ion enfance ; fon amour -propre fe croit fi intérefit’ à les foutenir , & à n’en point démordre , que , quand j’aurois la chofe auffi fortement â cœur, qu’elle m’eft indiffe’rente , avec toute l’éloquence de Cicéron , je ne pourrois convaincre perfonne d’être dans l’erreur. La raifon en eft fim-ple ; ce qui eft clair & démontré pour un philofophe, eft obfcur ^ incertain , ou plutôt faux pour ceux qui ne le font pas , principalement s’ils ne font pas f :iits pour le devenir.

Ne craignons donc pas que l’eftirit du peuple fe moule jam.ais fur celui àes philofophes , trop audeifus de fa portée. Il en eft comme de ces inftcumens h fons graves & bas, qui ne peuvent monter aux tons aigus & perçants de plufieurs autres, ou comme d’une bafle-taille , qui ne peut s’élever aux fons ravlifants de la haute-contre. II n’eft pas plus pcffibleà un efprit fans nulle teinture philofophique, quelque pénétration naturelle qu’il ait, de prendre le tour d’efprit d’un phyficien accoutumé à réfléchir , qu’à celui-ci de prendre le tour de l’autre , & de raifonner auiïi mal. Ce font deux phyfioncmies qui ne fe reftemblcront jamais, deux inftrumcns , dont l’un eft tourné ,cize]é, travaillé ; l’autre brut , & tel qu’il eft forti des mains de h nature. Enfin le pli eft fait ; il reftera ; il n’eft pas plus ailé à l’un de sélever , qu’à l’autre de defcendre. L’ignorant, plein de préjugés , parle & raifonne B 4