Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/49

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Préliminaire. 35 :

plupart ne fe refufent pas plus que moi ? Mais’ quand du fond de leur cœur , elle ne feroic que’ pafler & couler lubriqiiement dans leur plume libertine ; quand , le livre de la nature à la main, les philofophes montant fur les épaules les uns des autres , nouveaux géants , efcaladeroient le ciel , quelle confëquence fi facheufe à en tirer ! Jupiter n’en fera pas plus détrôné , que les ufages de l’Europe ne feroient détruits par un Chinois qui écriroit contr’eux. Ne peut-on encore donner une libre carrière à fon génie , ou à fon imagination , fans que cela difpofe contre les mœurs de l’écrivain le plus audacieux ?. La plume à la main , on fe permet plus de chofes dans une folitude qu’on veut égayer, que dans une Ibciété qu’on n’a pour but que d’entretenir en paix. Combien d’écrivains mafqués par leurs ouvrages, le cœur en proie à tous les vices, ont le front d’écrire fur la vertu , femblables à ces prédicateurs , qui fortant des bras d’une jeune pénitente qu’ils ont convertie ( à leur manière ) viennent dans des difcours moins fieuris que leur teint , nous prêcher la continence & la chalteté ! Combien d’autres , croyant à peine en dieu , pour faire fortune , fe font montres dans de pieux écrits les apôtres de livres apocryphes , dont ils fe moquent eux-mêmes ; le foir à la taverne avec leurs amis , ils rient de ce pauvre public qu’ils Tome I. G