Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome premier, 1796.djvu/50

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54 Discours

ont leurrij comme faifoit peut-être Sénèque , qu’ol^ne foupçonne pas d’avoir eu le cœur auifi pur & auffi vertueux que la plume ! Plein de vices & de richefles, n’ed-il pas ridicule & fcéiérat de plaider pour la vertu & la pauvreté ? iVIais pour en venir à des exemples plus hon-.^ nétcs, & qui ont un rapport plus intime à mon fujet, le fa^e Bayle, connu pour tel par tant de gens dignes de foi aujourd’hui vivants , a parfemé îçs ouvrages d’un affez grand nombre de palîages obfcenes, & de réflexions qui ne le font pas moins. Pourquoi ? Pour réjouir & divertir un ef,)rit flit"gu :’. Il fiiifoic à-peu-près comme nos prudes^ il accordoic à Ton imagination un plaifir qu’il refufoit à fes l’ens ; plaifir innocent , qui réveille l’ame & la tient plus long-temps en haleine. Ceil : ainii que la gaieté des objets , dont le plus fouvep.t dépend la nôtre , eft néceffairc aux poètes : c’ed elle qui fait éclore ct^ grâces , ces amours , ces fleurs , & toute charmante volupté qui coule du pinceau de la nature , & que refpirent les vers d’un Voltaire , d’un Arnaud , ou de ce roi fameux qu’ils ont l’honneur d’avoir pour rival.

Combien d’auteurs gais , voluptueux , ont pafTé pour trifles & noirs, parce qu’ils ont paru tels dans leurs romans , ou dans leurs tragédies ! Un homme très-aimable , qui n’eil rien moins que