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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/153

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tant qu’ils ceſſent de l’être. Nous, nous ne diſpoſerons point de ce qui nous gouverne ; nous ne commanderons point à nos ſenſations ; avouant leur empire & notre eſclavage, nous tâcherons de nous les rendre agréables, perſuadés que c’eſt-là où gît le bonheur de la vie : & enfin nous nous croirons d’autant plus heureux, que nous ſerons plus hommes, ou plus dignes de l’être ; que nous ſentirons la nature, l’humanité, & toutes les vertus ſociales ; nous n’en admettrons point d’autres, ni d autre vie que celle-ci. D’où l’on voit que la chaîne des vérités néceſſaires au bonheur ſera plus courte que celle d’Hégéſias, de Deſcartes, & de tant d’autres philoſophes ; que pour expliquer le mécaniſme du bonheur, nous ne conſulterons que la nature & la raiſon, les ſeuls aſtres capables de nous éclairer & de nous conduire, ſi nous ouvrons ſi bien notre ame à leurs rayons, quelle ſoit abſolument fermée à tous ces miaſmes empoiſonnés, qui forment comme l’atmoſphere du fanatiſme & du préjugé. Entrons en matière.

Nos organes ſont ſuſceptibles d’un ſentiment ou d’une modification qui nous plaît & nous fait aimer la vie. Si l’impreſſion de ce ſentiment eſt courte, c’eſt le plaiſir ; plus longue, c’eſt la volupté : permanente, on a le bonheur ; c’eſt toujours la même ſenſation, qui ne differe que par ſa durée & ſa vivacité ; j’ajoute ce mot, parce qu’il