Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/154

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n’y a point de ſouverain bien ſi exquis, que le grand plaiſir de l’amour.

Plus ce ſentiment eſt durable, délicieux, flatteur, & nullement interrompu ou troublé, plus on eſt heureux.

Plus il eſt court & vif, plus il tient de la nature & du plaiſir.

Plus il eſt long & tranquille, plus il s’en éloigne & s’approche du bonheur.

Plus l’ame eſt inquiète, agitée, tourmentée, plus la félicité la fuit.

N’avoir ni craintes, ni deſirs, comme dit Séneque, c’eſt le bonheur privatif, en ce que l’ame eſt exempte de ce qui altere ſa tranquillité. Deſcartes veut qu’on ſache pourquoi on ne doit rien deſirer, ni craindre. Ces raiſons, que notre Stoïcien à sous-entendues, rendent ſans doute l’eſprit plus ferme, plus inébranlable ; mais pourvu qu’on ne craigne rien, qu’importe que ce ſoit par vertu de machine ou de philoſophie.

Avoir tout à ſouhait, heureuſe organiſation, beauté, eſprit, graces, talens, honneurs, richeſſes, ſanté, plaiſirs, gloire, tel eſt le bonheur réel & parfait

Il ſuit de tous ces aphorismes, que tout ce qui produit, entretient, nourrit, ou excite le ſentiment inné du bien-être, devient par conſéquent cauſe du bonheur ; & par cette raiſon, pour en ouvrir la