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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/189

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lui étoit violent ou douloureux de marcher droit, ſi droit y a.

Cette fragile inconſtance de la vertu la mieux acquiſe & la plus fortement enracinée, prouve non-ſeulement la néceſſité des bons exemples & des bons conſeils pour la ſoutenir ; mais celle de flatter l’amour-propre par des louanges, des récompenſes ou des gratifications qui l’encouragent lui-même & l’excitent à la vertu. Sans quoi, à moins qu’on ne ſoit piqué par un certain point d’honneur, on aura beau exhorter, déclamer, haranguer : c’eſt un mauvais ſoldat qui déſertera. On dit avec raiſon qu’un homme qui mépriſe ſa vie peut détruire qui bon lui ſemble. Il en eſt de même d’un homme qui mépriſe ſon amour-propre. Adieu toutes les vertus, ſi l’on en vient à ce point d’indolence ! la ſource en ſera néceſſairement tarie. L’amour-propre ſeul peut entretenir le goût qu’il a fait naître. Son défaut eſt beaucoup plus à craindre que ſon excès. La belle ſociété qui ne ſeroit compoſée que de Diogenes, de Chrifippes & autres fous ſemblables, que l’antiquité ne nous fait point tant révérer, que nous ne les trouvions dignes des petites maiſons !

Si la diſpoſition au mal eſt telle, qu’il eſt plus facile aux bons de devenir méchans, qu’à ceux-ci de s’améliorer, excuſons cette pente inhumaine de l’humanité. Ne perdons point de vue les entraves