Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/192

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de leurs aiſes, & en général de leur façon de ſentir. « Ou la raiſon ſe moque (comme dit fort bien Montagne), ou elle ne doit viſer qu’à notre contentement, & tout ſon travail tendre en ſomme à nous faire bien vivre, c’eſt-à-dire, à notre aiſe. Toutes les opinions du monde en ſont-là, que le plaiſir eſt notre but. Quelque perſonnage que l’homme entreprenne, il joue toujours le ſien parmi ; & dans la vertu même, le dernier but de notre viſée, c’eſt la volupté ». Quel plus naïf, quel plus charmant Epicurien !

Le plaiſir de l’ame étant la vraie ſource du bonheur, il eſt donc très-évident que par rapporta la félicité, le bien & le mal ſont en ſoi fort indifférens ; & que celui qui aura une plus grande ſatisfaction à faire le mal, ſera plus heureux que quiconque en aura moins à faire le bien. Ce qui explique pourquoi tant de coquins ſont heureux dans ce monde, & fait voir qu’il eſt un bonheur particulier & individuel qui ſe trouve, & ſans vertu, & dans le crime même.

Une ſource de bonheur que je ne crois pas plus pure, pour être plus noble Se plus belle dans l’eſprit de preſque tous les hommes, c’eſt celle qui écoule de l’ordre de la ſociété. Plus la détermination naturelle de l’homme a paru vicieuſe & comme monſtrueuſe par rapport à la ſociété, plus on a cru devoir y rapporter différens correctifs. On a