Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/222

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vent ulcéré, dans le beſoin du ſeul baume qui les adoucit & les cicatriſe.

Ne prenons point pour des beſoins, les deſirs d’une imagination qui aime à s’irriter ; il y aura moins de gourmands, moins d’ivrognes & moins de voluptueux ; mais donnons à la nature ce qui appartient à la nature. On boit quand on a ſoif, on mange quand on a faim. Or ici on éprouve quelquefois ce double effet de la même cauſe ; car quel homme n’a pas quelquefois faim & ſoif de certaines voluptés ? Faute de s’y livrer, combien de nuages & de mécontentemens s’élevent dans l’ame, que la volupté ſeule peut diſſiper ? Je n’ignore pas que certains tempéramens foibles peuvent, ou plutôt doivent s’en priver, pour ſe bien porter, & mieux jouir des autres plaiſirs ; mais d’ailleurs la volupté, prudemment conduite, eſt d’une auſſi grande néceſſité que les autres beſoins, & la nature a employé les mêmes moyens pour faire naître celui-là. De-là vient que Celſe, ſon commentateur Lommius, Venette, Boerhaave, & tous les plus graves philoſophes & médecins, n’ont point fait difficulté de la recommander dans leurs écrits, & d’y donner de vraies & ſages leçons d’amour. J’avois ſuivi moi-même leur exemple dans une lettre, qui terminoit celles que j’ai données ſur la ſanté ; mais je ne fais quel ſcrupuleux cenſeur a jugé à propos d’en ſupprimer la