Aller au contenu

Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ſeule copie que j’euſſe, & qui contenoit Venette rajeuni (moins bien qu’il ne va paroître), avec le précis de tout ce que nos meilleurs auteurs nous ont laiſſé ſur un ſujet plus important qu’on ne penſe.

Quoique le bonheur ne doive pas être placé en général dans la volupté des ſens, il y a cependant des ſens pour qui c’eſt un beſoin ſi urgent, qui ont tellement faim & ſoif du coït, que ſans cet acte vénérien, qu’il leur faut ſouvent répéter chaque jour, ils ſeroient malheureux, & fort à plaindre. Au contraire, donner une ample carriere à leur tempérament, ils ſont heureux, non-ſeulement dans la volupté & par la volupté même, mais dans le ſein de la débauche, de la folie & du déſordre. Quelle preuve en demandez-vous ? Leurs jours ſe coulent, preſque ſans qu’ils s’en apperçoivent, parce qu’ils ſentent & ne réfléchiſſent point : toujours gais & contens, ils ne reſpirent que la joie, ils la portent par-tout. C’eſt, pour ainſi-dîre, la monnoie courante de nos cœurs, c’eſt un ſubſtitat de l’eſprit, plus, agréable que l’eſprit même, & plus à portée de tout le monde : comment ne ſeroit-il pas de toutes les fêtes & de tous les banquets ? La joie eſt aſſiſe avec eux, elle rit aux convives, qu’elle réjouit ; ils la font circuler dans les cercles, & en quelque ſorte mouſſer, & boire à longs traits dans différens vins exquis. Cependant