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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/229

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Si tant de méchans, malgré tous les préjugés, contraires à leurs actions, dans leſquels ils ont été élevés, ne ſont pas toujours malheureux, n’eſt-il pas évident qu’ils le ſeroient conſéquemment encore moins, dans la double ſuppoſition, ou qu’ils en pourroient ſecouer le joug, ou ſur-tout qu’ils ne l’euſſent jamais porté. Je dis donc ce qui me ſemble, & ne donne qu’une hypotheſe philoſophique. Je ne ſoutiens point, à dieu ne plaiſe ! la méchanceté, trop oppoſée à mon caractere ; j’y compâtis, parce que j’en trouve l’excuſe dans l’organiſation même, quelquefois difficile & même impoſſible à dompter. Les chevaux ne ſont pas les ſeuls animaux qui prennent le mors aux dents. Que chacun s’examine ; qu’il ſe rappelle ſes anciennes coleres, ſes vengeances, ſes querelles & tant d’autres mouvemens qui l’ont emporté, il ſe trouvera cheval comme un autre. Tout homme fougueux & violent en eſt un.

Mais (pour me parler à l’imitation de Séneque), tn ne pourſuis point les vices & les crimes avec un ſtyle de fer ? Je ne ſuis point tenu de remplir une tâche qui n’eſt point la mienne. Je la laiſſe aux ſatyriques & aux prédicateurs. Je ne moraliſe, ni ne prêche, ni ne déclame, j’explique. Je ſuis & me fais l’honneur d’être citoyen zélé ; mais ce n’eſt point en cette qualité que j’écris, c’eſt comme