Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/233

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cité, les gueux comme les riches, les ignorans comme les ſavans, les animaux comme les hommes (car le temps d’en faire des machines dépourvues de ſentiment eſt paſſé), que chaque individu parvient conſéquemment à ſon degré de bonheur, comme à la ſanté, à la gaieté, à l’eſprit, à la force, au courage & à l’humanité poſſibles ; & qu’ainſi on eſt conſtruit pour être heureux ou malheureux, & preſque à un tel ou tel point, comme pour mourir, jeune ou vieux, de tel ou tel mal, entouré de médecins.

On voit encore par ce qui a été dit, le cas qu’on doit faire des riches, de la volupté des ſens, de la ſociété, de la vertu & des loix. Montagne, le premier François qui ait oſé penſer, dit que celui qui obéit aux loix, parce qu’il les croit juſtes, ne leur obéit pas juſtement, par ce qu’elles valent. Ce n’eſt que comme loix qu’elles ſont reſpectables, autrement on n’eût point ſuivi toutes celles dont l’hiſtoire fourmille, qui me ſemblent ſi ſouvent injuſtes & cruelles ; & on ſe fut cent fois révolté contre les décrets du ſénat romain. Les loix, la vérité & la juſtice, paroiſſent mériter la même conſidération ; les unes comme émanées des mains de la politique, les autres, comme filles du ſentiment. Mais puiſqu’il y a eu dans tous les temps, qu’il y a aujourd’hui, & y aura toujours des loix contraires à ce qu’on appelle vérité, ou à ce qui