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Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/239

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Voilà mes idées ſur le bonheur, & ce que je penſe de l’auteur illuſtre qui m’a fait naître l’envie de les mettre par écrit. Bien des gens ſeront peut-être choqués de ma façon de penſer, principalement ſur la vertu & les remords, d’autant plus qu’elle eſt quelquefois auſſi nouvelle que hardie : car je n’ai conſulté ni Hobbes, ni Mylord S…, & j’ai tout puiſé dans la nature. Mais qu’ils ſachent, ces eſclaves de l’exemple & de la ſuperſtition, ces petits génies qu’on ne voit point où la vérité paroît, qu’on peut ici (quelle plus belle invitation à ſes amateurs !) braver les préjugés & tous les ennemis de la philoſophie, comme on ſe rit du courroux des flots dans un port tranquille ! Je n’entends plus en effet gronder les miens que de loin, & comme la tempête qui bat le vaiſſeau dont je me ſuis échappé. Ici, encore une fois, quel plaiſir pour un philoſophe ! chacun peut à ſon gré cultiver la philoſophie, les ſciences & les beaux arts ; la carriere eſt ouverte par le prince qui s’y eſt diſtingué preſque dès l’enfance ? Dux & exemplum & nececſſitas, comme dit Pline le jeune en un autre ſujet. Tous ces ſacrés perturbateurs d’un repos plus reſpectable qu’eux, ne ſe troublent point dans ces heureux climats. On peut élever la voix, ſe ſervir de ſa raiſon, & jouir enfin du plus bel apanage de l’humanité, la faculté de penſer. Les théologiens juges des philoſophes ! Quelle pitié ! C’eſt vouloir