Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/29

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Croyez-vous que le premier nouveau-né ait trouvé un teton, ou un ruiſſeau de lait tout prêt pour ſa ſubſiſtance ?

XXXV.

L’homme nourri des ſucs vigoureux de la terre, durant tout ſon état d’embryon, pouvoit être plus fort, plus robuſte qu’à préſent, qu’il eſt énervé par une ſuite infinie de générations molles & délicates ; en conſéquence il pouvoit participer à la précocité de l’inſtinct animal, qui ne ſemble venir que de ce que le corps des animaux qui ont moins de temps à vivre, eſt plutôt formé. D’ailleurs, pour joindre des ſecours étrangers aux reſſources propres à l’homme, les animaux, qui, loin d’être ſans pitié, en ont ſouvent montré dans des ſpectacles barbares, plus que leurs ordonnateurs, auront pu lui procurer de meilleurs abris, que ceux où le haſard l’aura fait naître ; le tranſporter, ainſi que leurs petits, en des lieux où il aura eu moins à ſouffrir des injures de l’air. Peut-être même qu’émus de compaſſion à l’aſpect de tant d’embarras & de langueurs, ils auront bien voulu prendre ſoin de l’allaiter, comme pluſieurs écrivains, qui paroiſſent dignes de foi, aſſurent que cela arrive quelquefois en Pologne : je parle de ces ourſes charitables, qui après avoir enlevé, dit-on, des enfans preſque nouveaux-nés, laiſſés ſur une