Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/30

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porte par une nourrice imprudente, les ont nourris & traités avec autant d’affection & de bonté que leurs propres petits. Or tous ces ſoins paternels des animaux envers l’homme auront vraiſemblablement duré juſqu’à ce que celui-ci, devenu plus grand & plus fort, ait pu ſe traîner, à leur exemple, ſe retirer dans les bois, dans les troncs d’arbres creux, & vivre enfin d’herbes comme eux. J’ajoute que ſi les hommes ont jamais vécu plus qu’aujourd’hui, ce n’eſt qu’à cette conduite & à cette nourriture, qu’on peut raiſonnablement attribuer une ſi étonnante longévité.

XXXVI.

Ceci jette, il eſt vrai, de nouvelles difficultés ſur les moyens & la facilité de perpétuer l’eſpèce ; car ſi tant d’hommes, ſi tant d’animaux ont eu une vie courte, pour avoir été privés, ici d’une partie, ſouvent double là, combien auront péri faute de ſecours dont je viens d’indiquer la poſſibilité ! Mais que deux, ſur mille peut-être, ſe ſoient conſervés, & ayent pu procréer leur ſemblable, c’eſt tout ce que je demande, ſoit dans l’hypothèſe des générations ſi difficiles à ſe perfectionner, ſoit dans celle de ces enfans de la terre qu’il eſt difficile d’élever, ſi impoſſible même, quand on conſidère que ceux d’aujourd’hui, auſſi-tôt abandonnés que mis au monde, périroient tous vraiſemblablement, ou preſque tous.