Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/47

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d’efforts ! Après avoir courageuſement monté ſur l’échaffaud, est aussi dupe que lâche qui en deſcend, peur paſſer de nouveau par les verges & les étrivières de la vie. » Langage bien digne d’un homme dévoré d’ambition, rongé d’envie, en proie à un amour malheureux, ou poursuivi par d’autres furies !

LXXIV.

Non, je ne ferai point le corrupteur du goût inné qu’on a pour la vie ; je ne répandrai point le dangereux poiſon du Stoïcisme sur les beaux jours, & juſques ſur la proſpérité de nos Lucilius. Je tâcherai au contraire d’émouſſer la pointe des épines de la vie, ſi je n’en puis diminuer le nombre, afin d’augmenter le plaisir, d’en cueillir les roſes : & ceux qui par un malheur d’organiſation déplorable, s’ennuyeront au beau ſpectacle de l’univers, je les prierai d’y reſter, par religion, s’ils n’ont pas d’humanité ; ou, ce qui eſt plus grand, par humanité, s’ils n’ont pas de religion. Je ferai enviſager aux ſimples les grands biens que la religion promet à qui aura la patience de ſupporter ce qu’un grand homme a nommé le mal de vivre ; & les tourmens éternels dont elle menace ceux qui ne veulent point reſter en proie à la douleur, ou à l’ennui. Les autres, ceux pour qui la religion n’eſt que ce qu’elle eſt, une fable, ne pouvant les retenir