Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/55

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LXXXVII.

A meſure que le ſein glacé de la terre s’ouvre aux douces haleines du zéphire, les grains ſemés germent ; la terre ſe couvre de fleurs & de verdure. Agréable force du printemps, tout prend une autre face à son aſpect ; toute la nature ſe renouvelle, tout eſt plus gai, plus riant dans l’univers ! L’homme ſeul, hélas ! ne ſe renouvelle point : il n’y a pour lui ni fontaine de Jouvence, ni de Jupiter qui veuille rajeunir nos Titons, ni peut-être d’Aurore qui daigne généreuſement l’implorer pour le ſien.

LXXXVIII.

La plus longue carriere ne doit point alarmer les gens aimables. Les graces ne vieilliſſent point ; elles ſe trouvent quelquefois parmi les rides & les cheveux blancs ; elles font en tout temps badiner la raiſon ; en tout temps elles empêchent l’eſprit d’y croupir. Ainſi par elles on plaît à tout âge ; à tout âge, on fait même ſentir l’amour, comme l’abbé Gédoin réprouva avec la charmante octogénaire Ninon de Lenclos, qui le lut avoit prédit.

LXXXIX.

Lorſque je ne pourrai plus faire qu’un repas par jour avec Comus, j’en ferai encore un par ſemaine, si je peux, avec Vénus, pour conſerver cette humeur