Page:La Mothe Le Vayer - Œuvres, Tome 5, Partie 1, 1757.pdf/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
DE LA VERTU DES PAYENS.


me pluſieurs ſont. Car il ſe rencontre des perſonnes ſi auſteres, qu’elles interdiſent l’entrée du Paradis non ſeulement à Samſon, & à Salomon, figures de nôtre Rédempteur, mais à nôtre premier Père même, formé de la propre main de Dieu ; l’Abbé Ruçert, & Tatian que refute Saint Irenée, avec Marcion & Saturnin, n’aiant pas fait conſcience de douter du ſalut d’Adam[1] ; ce que je ne crois pas qu’ils aient pû faire ſans une eſpece d’impiété. Ce n’eſt pas merveille, ſi des hommes de cette humeur prennent la hardieſſe de danner ſans diſtiction toute la Gentilité. Il y en a d’autres ſi facile au contraire, qu’ils ne ferment le Ciel à qui que ce ſoit[2]. Origene a crû que le Diable même ſeroit à la fin participant de la Beatitude que ſon orgueil lui a fait perdre. Et il s’eſt trouvé des faiſeurs d’Apologueie pour Judas, qui l’ont voulu mettre au nombre des Saints, comme celui qui n’avoit livré nôtre Seigneur à la mort, que par un grand zele, ſachant que de là dépendoit le ſalut de tout le genre humain. La voie moienne entre ces deux extrémités eſt celle qu’on doit ici ſuivre, de même qu’on fait quaſi par tout ailleurs. Et comme nous ne pouvons douter de la dannation de la plûpart des Païens, qui ſont morts dans l’infide-

  1. Lib. 3. de Trin. c. 31. l. 3 c. 35. & ſuequ. Enſ. Hiſt. Eccl. l. 4. cap. 27.
  2. Gaiani hæretici