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PREMIERE PARTIE


lité & l’idolâtrie ; auſſi ne devons-nous pas deſeſperer de la miſericorde de Dieu, à l’égard de ceux d’entre eux qui ont eu la raiſon pour guide de leurs actions, & par elle la Foi implicite de nôtre Sauveur, accompagnée peut-être (t)[1] d’une grace ſurnaturelle, au moien de laquelle ils ſe ſont rachetés du malheur des autres.

Mais bien qu’on ſe puiſſe promettre cela généralement parlant de la bonté de leur Créateur, ce n’eſt pas à dire pourtant qu’il y ait lieu de s’aſſurer de la felicité d’aucun d’eux en particulier, comme nous ne doutons point de celle de nos Saints que l’Eglise a canoniſés. C’eſt une comparaiſon qui ne doit jamais être

  1. (t) Si l’on veut conſidérer ce que j’ai préſuppoſé ici, on ne m’accuſera pas d’avoir ajoûté à mauvaiſe intention un peut étre & l’on n’a aucune raiſon de mal interpreter ce mot. En effet, je poſe dans tout mon Livre pour asſuré, qu’aucun Paiem, pour vertueux qu’il ait été, n’a pû ſe ſauver ſans la Grace furnaturelle. Et le peut être, dont on fe plaint, ne regarde que ceux, qui me l’ont pas euë, du defaut de quoi nous deſeſperons à bon droit de leur ſalut. Car nous me tenons pas que les Chrétiens mêmes qui ont la Foi explicite, puiſſent arriver à la felicité éternelle ſans la Grace. Si j’avois dit que les Païens vertueux étoient peut étre ſauvés ſans la
    Grace, je ſerois condamnable. Mais c’eſt tout le contraire, & j’écris ſeulement, qu’ils ont reçu peut être une Grace ſurnaturelle, au moien de laquelle ils ſe ſont ſauvés, & par conſequent ſans laquelle il n’y a point eu de ſalut pour eux. Au cas néanmoins qu’on trouve que ce peut être ait quelque ambiguité qui porte un ſens contraire au mien, je conſens de bon cœur qu’il Joit raſé.

    Pour les autres erreurs que je puis avoir cômmiſes, & qui ne ſont pas venuës à ma connoiſſance, je ſouffrirai toûjours d’autant plus patiemment d’en étre repris, que je me ſai rien qui ſoit plus humain que de faillir & de ſe méprendre.