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DE LA VERTU DES PAYENS.


faite. Et je crois que ce qu’il y a de plus certain, lorsqu’on descend jusqu’à examiner le ſalut ou la damnation des Individus, c’eſt de ſuspendre ſon jugement, & de reconnoitre qu’on n’y petit rien déterminer avec certitude. Je ſuis néanmoins pour avancer ici ce paradoxe, Que de tous les Anciens il n’y en a point dont on doive plûtôt préſumer le bonheur de l’autre vie, que de ceux qui avoient de leur vivant la réputation d’Athées, & de gens ſans religion ; ſi nous en exceptons quelques monſtres d’hommes, tels qu’ont été un Diagore Melien, un Evemere Tegeate, & un Théodore Cyrenien (v. d), qui ne vouloient pas même reconnoître une cauſe première : Encore ſemble-t-il que Clément Alexandrin ait eu une meilleure opinion d’eux que de tout le reſte des Païens Idolâtres[1]. Ma raiſon eſt qu’on nommoit communément Athée de ce tems-là, tous ceux qui s’appercevans de l’impertinence des fauſſes Réligions qui avoient cours, refuſoient d’adorer la multiplicité des Dieux du Paganiſme, n’en pouvant admettre plus d’un. Et c’eſt pourquoi nous avons vû, que Juſtin Martyr a nommé Socrate & Heraclite Chrétiens, encore, dit-il, qu’ils paſſaſſent pour Athées dans le ſiécle, où ils vivoient. Quoiqu’il en ſoit, nous ſommes obligés d’a-

  1. Aduſ. ad Gentes. 15.