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DE LA VERTU DES PAY. II. PART.

Je ne ſai pas quelles preuves on peut donner de ſa colere, mais je ſuis ſûr d’en produire de fort expreſſes pour l’en décharger. Premierement on ſait, que les mauvaiſes humeurs de cette inſupportable Xantippe ne ſervirent jamais qu’à exercer ſa patience ; ce qui lui faiſoit dire qu’il trouvoit toutes choſes douces & faciles au dehors, après avoir ſouffert cette femme au dedans. Or bien qu’elle fût très inique envers lui, ſi eſt ce qu’elle rendit un merveilleux témoignage de ſon humeur exemte de toute émotion, quand elle dit qu’elle ne l’avoit jamais vû retourner en ſa maiſon, qu’avec le même viſage, qu’il avoit lorſqu’il en étoit ſorti. Car comme l’ame eſt celle qui donne à un chacun cet air de joie, ou de triſteſſe, qui ſe remarque d’abord, & que c’eſt elle encore qui nous ride ou applanit le front en un inſtant, ſelon ſes mouvemens interieurs ; il ne faut pas s’étonner s’il ne paroiſſoit aucun changement dans la face de celui, qui poſſedoit un eſprit invariable, & preſque au deſſus de toute ſorte d’agitation. Nous liſons la confirmation de cela dans Arrien[1], où Epictete aſſure, que de toutes les qualités de Socrate, il n’y en avoit point qui lui fut plus propre, que celle de ne ſe fâcher jamais, non pas même dans ſes dis-

  1. Lib. 2. cap. 12.