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DE LA VERTU DES PAYENS.


Bellarmin là-deſſus[1], s’il étoit vrai que les Vertus des Païens ne fuſſent que des vices dans la doctrine de Saint Auguſtin, il s’ensuivroit que ſelon cette doctrine, Dieu auroit recompenſé le vice, qui eſt une abſurdité tres impie. Certes, quiconque examinera encore le douzième chapitre du même livre ne doutera jamais, que les Vertus de Céſar, & ſurtout celles de Caton, n’y ſoient repréſentées, comme des vertus morales, & non pas comme des vices, encore qu’elles ſoient inférieures de beaucoup à nos vertus Chrétiennes, & que comparées les unes aux autres, il ſemble, comme nous venons de dire, qu’il n’y ait que les dernieres de véritables. C’eſt ce que Saint Auguſtin a voulu entendre par ce peu de mots : Sed cum illa memoria duo Romani essent Virtute magni, Cæſar, & Cato, longe virtus Catonis veritati videtur propinquior fuiſſe, quam Cæſaris. Il n’eût pas parlé de la ſorte du vice, qu’on ne conſidère jamais comme voiſin de cette vérité, parce que lui étant ſi contraire, il s’en trouve toujours plus éloigné que la terre ne l’eſt du Ciel. Mais d’autant qu’à le prendre moralement, & ſelon les termes de l’Ecole, la vertu, reçoit le plus & le moins ; il dit que celle de Caton approcha le plus pres de la vérité, ou qu’elle fut plus

  1. Lib. 5. de at. & lib. arbit. c. 9.