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DE LA VERTU DES PAYENS.


paradoxes du tout contraires à l’intention de Saint Augustin, & ſans mentir plus étranges qu’on n’en a jamais attribué au Portique de Zenon. En effet, fort peu de Païens ont embraſſé cette belle vertu par une vaine gloire toute pure, mais presque toujours, croians que l’honnêteté s’y trouvoit conjointe, & que celle-ci étoit agréable à Dieu, qui devenoit par conſequent la derniere fin de leurs actions, encore qu’elles euſſent d’autres fins moiennes & subordonnées à celle-là. Mais nôtre deſſein ne nous obligeant pas à nous arrêter davantage ſur ce point, paſſons à d’autres textes de Saint Augustin, que nous ne trouverons pas moins formels que ces premiers.

Dans ſon livre de l’Eſprit & de la Lettre[1], il reconnoit que les Impies & les Infideles ont fait des œuvres, quoique rarement, qu’il ſeroit bien faché de blâmer, parce qu’elles méritent au contraire d’être louées. Qui eſt-ce, je vous prie, qui a jamais ouï parler de louer le vice ? & qui peut nier, que la rareté ne témoigne l’existence ? Il nomme ailleurs la continence de Polemon[2], que Xenocrate retira de la débauche, un don de Dieu. Il priſe en beaucoup de lieux les aumônes du Centurion Cornélius faites avant qu’il eût reçu la Foi. Son livre de la Patience nous apprend

  1. Cap. 27.
  2. Ep. 130. l. de præd. SS c. 7. & l. 1 de bapt. c. 7. c. 26.