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DE LA VERTU DES PAYENS.


benediction de Dieu dans l’Exode, pour n’avoir pas fait mourir les enfans mâles des Hébreux, ſelon le commandement de Pharaon[1]. Daniel exhorte Nabuchodonosor à rachéter ſes pèchés par des aumônes, & par d’autres œuvres de pieté. Et St. Paul nous témoigne[2] que les Gentils, à qui la Loi des Juifs n’avoit point été communiquée, n’ont pas laissé quelquefois de faire naturellement ce qu’elle commandoit, d’autant que la lumiere naturelle qu’ils avoient, aidée de la Grace, leur tenoit lieu de Loi. Dirons-nous que Dieu ait récompenſé de méchantes actions ? Que Daniel ait porté un Roi à commettre des crimes ? Et que Saint Paul ait parlé trop à l’avantage des Infideles ? Tenons-nous plutôt à la créance commune de l’Eglise, qui porte, que comme l’entendement des Païens a pû comprendre ſans la Foi, & ſans la grace extraordinaire beaucoup de vérités naturelles, leur volonté s’eſt pû porter de même à pluſieurs actions louables & vertueuſes, quoique toutes leurs connoissances, & toutes leurs bonnes œuvres ne fuſſent pas ſuffiſantes au ſalut.

C’eſt ce que j’ai été obligé de dire touchant l’opinion de Saint Auguſtin, pour montrer, qu’elle ne nous doit pas empêcher de conſidérer quelques Païens comme vertueux, &

  1. Cap. 1.
  2. Cap. 4. Ad Rom. cap. 2.