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PREMIERE PARTIE


de laiſſer la vertu dans toute ſon étendue, que je voudrois quant à moi amplifier plûtôt que reſtreindre.

Sans perdre le tems enſuite à refuter l’opinion de ceux, qui recognoiſſent aucune vertu, comme n’étant pas dignes de nôtre attention, nous ſupposerons pour bonnes toutes les definitions qu’on en donne, parce qu’elles reviennent quaſi à un même ſens, ſi elles ſont bien entendues, & que la diverſité qui s’y peut trouver,’importe pas à la ſuite de notre diſcours. Saint Auguſtin dit au quatrième livre de la Cité de Dieu[1], que la plûpart des Anciens ne definiſſoient point autrement la Vertu, que l’art de bien vivre ; & c’eſt vraiſemblablement ſelon ce ſentiment que Socrate nommoit les vertus des ſciences. Le même Saint Auguſtin propoſe ailleurs une autre definition de la Vertu[2], qui eſt plus étendue, & dont Saint Thomas s’eſt voulu ſervir, la nommant une bonne qualité, qui fait bien vivre celui qui la poſſede, de laquelle perſonne ne peut mal uſer, & que nous tenons de la main de Dieu. Ariſtote la fait paſſer pour une habitude, qui agit avec jugement, & qui conſiſte dans une médiocrité raiſonnable. D’autres, comme Ciceron, l’ont bommée une conſtante diſpoſition à bien faire, & à

  1. Cap. 21.
  2. Lib. 2. de lib. arb. c. 8. & 19. c. 2. qu. 88. art. 4.