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DE LA VERTU DES PAY. II. PART.


projet qu’Alexandre congedia ſes vaiſſeaux auſſitôt qu’il fut en Aſie ? Agathocles ne brûla-t-il pas de même fort heureuſement les ſiens en Afrique ? Caton n’eſt il pas loüé d’avoir renvoié à Marſeille ceux, qui l’avoient paſſé en Eſpagne ? Le Prince d’Orange dernier mort, ne gagna-t-il pas, il y a peu de tems, la bataille de Nieuport par un ſemblable ſtratagème ? Et ne liſons nous pas encore dans la conquête de Mexique, que Fernand Cortez fit enfoncer tout ce qu’il avoit de navires, afin que ceux, qui l’accompagnoient, ne ſongeaſſent plus au retour ? Pourquoi condannerons-nous donc en Julien la même choſe, faite à même deſſein, & à qui il n’a manqué, qu’une auſſi heureuſe fortune ; puiſque c’eſt une maxime, dont tout le monde tombe d’accord, qu’on ne doit jamais juger des actions par le ſuccès.

Ce qui eſt bien étrange, c’eſt qu’on l’accuſe principalement des vices oppoſés aux vertus, que tous les Hiſtoriens lui ont attribuées. Car il n’y a rien dont ils le recommandent davantage, que d’une chaſteté ſi par faite, qu’il ne donna jamais à perſonne le moindre ſoupçon d’impudicité, comme nous l’avons déja rapporté. Marcellin obſerve même à ce propos, qu’il citoit ſouvent un paſſage de Platon, où Sophocle s’eſtime heu-