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DE IULIEN


ctuelles, telles, que ſont les ſciences, & de lui dénier abſolument les autres vertus morales, dont tous les hommes reçoivent en naiſſant quelques ſemences naturelles en eux-mêmes ? Si l’on veut dire, que c’eſt parcequ’on peut être ſavant & éloquent ſans être homme de bien, ce qui ne peut pas être préſuppoſé de celui qui poſſede les vertus Morales : Je reponds, qu’encore qu’il ſoit vrai, que les aiant toutes, on eſt néceſſairement très homme de bien ; il ſe peut faire pourtant, que quelqu’un en poſſedera une partie ſeulement, & ſera ſi diffamé d’ailleurs par le vice, qu’il ne pourra paſſer que pour un mechant. Il faut prendre garde auſſi, qu’en définiſſant l’Orateur[1], un homme de bien qui ſait l’art de s’expliquer en beaux termes, on a fait entrer la probité dans la definition de l’Eloquence. Et néanmoins ceux, qui ne peuvent ſouffrir, qu’on nomme Julien juſte, ni temperant, parce que ce ſont des attributs de prud’hommie ; permettent bien qu’on le qualifie diſert, & éloquent, ce qui ne peut être ſans elle à le prendre exactement. Mais ce n’eſt pas l’ordinaire de parler ſi préciſément des vertus, ſoit de l’entendement, ſoit de la volonté, ni de faire de la Morale une Mathématique. Et quoique l’Ecole nous enſeigne, que ces vertus ſe prêtent la main, les unes aux autres ; que quelques-unes comme la Ju-

  1. Orator vir bonus, dicendi peritus.

Tome V. Part. I. C c