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PREMIERE PARTIE


Toſtat ſoutient [1] que les Païens mêmes qui avoient adoré les Idoles toute leur Vie, &

    vir de fondement & de reſolution à toute cette queſtion.

    Si les Paiens n’avoient point eu de vertus, ni fait jamais au cunes bonnes œuvres, parce qu’elles étoient inutiles à leur ſa lut, ne s’enſuivroit-il pas qu’au cun Héretique n’auroît la moin — dre vertu, vû que par cetre do ctrine ſes meilleures actions ſe roient des crimes, puiſqu’il n’y a point de ſalut hors de l’Egli ſe ? Il ne faudroit donc jamais demander juſtice à un Iuge au tre que Catholique, ni a un Prince Infidele, parce que c’eſt les exhorter à faire du mal, vû qu’ils ſont incapables de tout bien, & qu’il n’y a point ſelon le ſentiment contraire d’actions indifférentes. Et il reſulte enco re, il me ſemble, cette conſequen ce du précepte général que Dieu a donné à tout le genre humain, de travailler, qu’il a commandé le pèchéen commandantl’action, eû égard à ceux qui n’en peu vent faire aucune qui ne ſoit vicieuſe… Pour le moins ne ſau roit-on nier qu’il ne les eût obli gés à l’impoſſible ; ce qui eſt di rectement contre la determina tion du Concile de Trente, Deus impoſſibilia mon jub t. Outre que par la doctrine même de Saint Auguſtin, lib. 5. de lib. arbitr. c. 18. il n’y a point de pêché en ce qui ne peut être évité, quis pec cat in eo, quod cavere mullo muo de poteſt ? En vérité, il y a de quoi s’étonner, que des gens qui avancent de ſi étranges maxi mes, oſent ſe moquer des Pa
    radoxes du Portique, étant cer tain qu’ils en debitent qui ont beſoin d’autant de faveur pour être ſoufferts, que tous ceux des Stoïciens vid. Iamſ de la reform. del’homme int. Ne voions-nous pas dans des livres imprimés de puis peu, qu’il n’eſt pas permis de prendre plaiſir à l’harmonie des ſons & des voix ? Que ces perſonnes font un crime de la curioſité de connoitre les cho ſes, ce qu’ils appellent concu piſcence des yeux, & vain de ſir de ſavoir, pallié du nom de ſcience : Qu’ils nomment mala dies de l’ame la recherche des ſecrets de la Nature : Qu’ils ne penſent pas qu’on puiſſe regar der ſans pècher, une araignée, qui prend des mouches dans ſes toiles : Et qu’ils condannent cet te autre curioſité d’apprendre non ſeulement ce qui ſe fait en Aſie, mais même ce qui ſe pas ſe au dedans de nôtre pais, ſur la terre ou ſur la mer, ce ſont leurs termes. Ie n’ignore pas que toutes ces penſées ſe peu vent expliquer pieuſement, & †ont été écrites dans des entimens de grande devotion : Mais je les rapporte pour faire voir, que, comme elles ne doi vent pas être priſes à la lettre, ni à la rigueur ; ce qu’ils difent de la Vertu des Paiens a beſoin de même d’une favorable inter prétation. Elle n’eſt pointVer tu, & paroit un vice comparée à celle des Chrétiens, qui eſt ac compagnée, d’une grace ſpé ciale, nous en demeurons d’ac-

  1. Parad. 5. cap. 107.
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