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DE LA VERTU DES PAYENS.


même du Cap Beach qui n’eſt guères éloigné de la ligne, en tirant vers le Pôle Antarctique, ſont encore préſentement dans les mêmes ténèbres du Paganiſme, où elles étoient avant la venue de Jeſus Chriſt ici bas.

Cela préſuppoſé de la ſorte, la ſeconde difficulté ne ſemble pas fort malaiſée a reſoudre, parce que de mêmes cauſes doivent raiſonnablement produire de mêmes effets, & par conſequent, puiſqu’il ſe trouve des Païens aujourd’hui, qui ſont dans une ignorance des choſes néceſſaires au ſalut, auſſi excuſable que pouvoit être celle des anciens, il n’y auroit point d’apparence de condamner les uns après avoir prononcé, comme nous avons fait, en faveur des autres. Auſſi n’eſt-il pas de la bonté de Dieu d’obliger jamais les hommes à l’impoſſible, & ce ſeroit une impieté de croire qu’il le voulût faire. Comment peut-on donc s’imaginer, qu’un pauvre Americain, qui n’avoit jamais ouï parler de la vraie Religion il y a deux cens ans, ne pût dès lors en nulle façon éviter les peines éternelles, encore qu’il reſſemblât aux bons Païens, dont nous avons parlé, qui ſe laiſſant guider par la lumière naturelle de nôtre raiſon, adoroient un ſeul Dieu Créateur de toutes choſes, & vivoient ſans idolâtrie. Car ſi la Na-