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DE LA VERTU DES PAYENS.


je ne vois perſonne, qui ait aſſez d’inhumanité pour le jetter dans les flammes de l’Enfer, & la meilleure partie de nos Scholaſtiques lui ouvrent le Paradis. Ie veux faire une autre ſuppoſition de ce qui arrive vraiſemblablement tous les jours, en ces lieux de la terre Auſtrale, & d’autres qui n’ont point encore été découverts. Car quoique la plûpart de ceux où nous avons mis le pied depuis cent cinquante ans, aient été trouvés remplis d’abomination & d’iolâtrie ; ſi eſt-ce qu’en quelques endroits les hommes y vivoient dans la nuë connoiſſance d’une Divinité, ſans ſervir apparemment aux Idoles ; & il y a grande apparence que ce doit être la même choſe parmi les autres Nations où nous n’avons pas encore pénétré. Mais quand le diable auroit établi ſon empire par tout où le vrai Dieu n’eſt pas adoré, cela ne nous empêcheroit pas de ſuppoſer, qu’il pût y avoir des hommes dans ce grand Continent, que nous marquent les Cartes vers le Sud, qui vivent reglément & vertueuſement dans la Loi de Nature. Imaginons-nous en un qui dans cette rectitude morale, ſe porte par la ſeule lumiere de ſa raiſon, comme l’ont fait autrefois ces Philoſophes de la Grece, & même de Scythie, à reconnoître un ſeul Auteur de toutes choſes.