Page:La Motte de La Guyomarais - Souvenirs de 93, écrits en 1821.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le Marquis était mouillé, couvert de boue, tout meurtri ; son cheval s’était abattu ; il avait roulé avec lui dans un fossé plein d’eau.

Le lendemain, il se plaint d’un grand mal de tête, d’un point de côté. Les médecins, Taburel, de Lamballe, Masson, de Saint-Servan, Morel, chirurgien à Plancoët, appelés près de lui, reconnaissent une fluxion de poitrine. Cependant leurs soins et ceux d’une amitié dévouée semblaient avoir arrêté la gravité de la maladie.

Le Marquis de la Royrie avait fait la connaissance, à Paris, d’un médecin nommé La Touche-Cheftel, breton des environs de Fougères, ayant des parents habitant Saint-Malo. La Touche-Cheftel avait donné des soins, à Paris, au Marquis qui, à son tour, lui amena une belle et riche clientelle. Ce médecin avait à Paris une vie de luxe et de plaisirs ; pour la soutenir il lui fallait beaucoup d’or. Cet homme, sans foi ni honneur, a prouvé qu’il ne reculait devant rien pour s’en procurer. Il vint en 1792 à Saint-Malo, chez ses parents, et retrouva le Marquis en Bretagne. Cheftel, souple, faux, rusé, sut s’emparer de sa confiance, et pour mieux le tromper et connaître ses secrets, Cheftel s’engagea sous ses ordres. Le Marquis, cœur loyal et incapable de tromper, vit en lui un ami dévoué, là où il n’y avait qu’un traître ! M. de la Royrie présenta Cheftel à M. Désilles, caissier de la Conjuration, comme étant son ami, et faisant partie des Conjurés Bretons. Il le présenta même dans une de leurs assemblées et lui confia parfois des missions pour les princes et pour leurs représentants.

Lorsque Cheftel eut appris les principaux asiles du Marquis, le nom des Conjurés des Côtes-du-Nord, il partit pour Paris. Il va trouver Danton, ministre de la Convention, et, pour de l’or, il lui livre les asiles du Marquis, les noms des Conjurés qu’il connaît ; il s’engage même à livrer celui qu’il appelle son ami ! Il revint en Bretagne pour mieux le surveiller.

À la demande de Mme de La Guyomarais, Cheftel n’accompagnait jamais le Marquis lorsqu’il venait à la Guyomarais. Cheftel n’en savait pas moins que c’était l’endroit où il se réfugiait le plus souvent. Il sut en prévenir la police.