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Page:La Motte de La Guyomarais - Souvenirs de 93, écrits en 1821.djvu/8

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rien de suspect, ils continuèrent leur route sur Plancoët, sachant que de ce côté le Marquis y avait aussi des amis. La ferme où avait été transporté M. de la Royrie, étant située sur leur chemin, voulant boire et fumer, ils y entrent. La fermière, en les voyant dans la cour fut, comme elle le dit après, inspirée par le bon Dieu ; elle prend son chapelet, se met à genoux sur un banc très élevé, à l’ouverture du lit, elle s’y penche, empêchant ainsi le jour d’y entrer ; elle prévient le Marquis de ne pas dire un mot ni faire un mouvement. La fatigue du voyage, surtout le peu d’air que le Marquis respirait dans ce lit, avaient augmenté la pâleur de son visage. Les patriotes demandent à boire et du feu pour allumer leurs pipes. La fermière, sans changer de position, dit au chef de la bande : Allez dans la cuisine, ma fille y est, dites-lui de venir me parler, je ne puis quitter mon pauvre frère Jacques, il est à mourir, il ne parle plus, il est si pâle que l’on dirait qu’il est mort.

Après le départ des patriotes, le Marquis de la Royrie fut rapporté à la Guyomarais[1].

MM. Georges de Fontevieux, le major Chafner (américain), amis dévoués l’un et l’autre du Marquis, et servant sous ses ordres, arrivèrent à la Guyomarais le soir du 26 janvier ; ils voulaient savoir où ils pourraient trouver leur chef.

Fontevieux était chargé, par les princes, d’une mission de confiance pour le Marquis ; le major revenait d’Angleterre pour lui faire une communication. M. de La Guyomarais apprend à ces Messieurs la maladie du Marquis, l’espoir que conservent les médecins de le sauver, si rien ne vient compliquer la fluxion de poitrine. Il leur fait part de la fouille qui a été faite à la Guyomarais, ne comprenant pas, dit-il, ce qui a pu donner l’éveil à la police.

  1. C’est lui-même qui raconta ce fait à M. de La Guyomarais : J’ai admiré, disait-il, le sang-froid de cette femme qui m’a sauvé de la guillotine ; mais je me sentais mourir, faute de pouvoir respirer dans ce lit, je n’ai jamais autant souffert. — C. de La Guyomarais.

    Il y a 6 à 7 ans que ce fait m’était répété par la petite-fille de cette fermière. — Mde de La Guyomarais.