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LA NATURE.

trapu, à leurs courtes et grosses cuisses de derrière. Ils se trouvent dans l’Europe méridionale et moyenne, l’Asie, l’Afrique septentrionale et australe et l’Amérique septentrionale, sur les montagnes et les collines arides, insolées, pierreuses, et dans les régions sablonneuses, de juillet à septembre. Les divers exemplaires de la même espèce paraissent varier, suivant le lieu natal, en couleur, grandeur et stature. Le type est le C. italicus, Linn., ayant de 0m,028 à 0m,030 et 0,m040 de longueur dans les sujets femelles. Il a une couleur ordinairement jaune ou roussâtre, avec des ailes d’une charmante couleur d’un rose délicat et les pattes de derrière sanguines, agréablement vergetées de noir. Le mâle est deux fois plus petit que la femelle, n’ayant que 0m,012 à 0m,016 ; c’est peut-être en raison de cette faiblesse qu’il est armé à l’extrémité de l’abdomen de deux appendices recourbés et débordants, comprimés et excavés en dedans, propres à retenir étroitement la femelle dans l’accouplement et à la maîtriser. Cette espèce est fort redoutable par ses ravages et se trouve en Espagne, même en hiver. Rambur dit qu’en Andalousie, elle paraît souvent en troupes si nombreuses qu’à chaque pas on en fait lever des centaines. Elle ravage l’Italie et notamment la campagne de Rome, attaque en France les champs de luzerne et les vignobles, se trouve en Allemagne jusque près de Berlin dans les prairies sèches, en Saxe, en Russie méridionale, en Sibérie. Solier la range parmi les espèces dévastatrices de la Provence récoltées dans les chasses primées par les municipalités. Elle remonte en individus isolés aux environs de Paris, où elle est commune certaines années. On la trouve toujours à Lardy, localité aride bien connue des jeunes amateurs parisiens par ses espèces méridionales, et je suis persuadé qu’elle existe aussi fréquemment dans les landes sèches de Champigny et de la Varenne-Saint-Maur. Autrefois Audinet-Serville la trouvait au champ de Mars, à Sèvres et à Saint-Cloud, mais ces lieux ont bien changé depuis quarante ans et n’ont plus rien de champêtre.

Les grands continents ont leurs criquets dévastateurs, mais je n’oserais pas entreprendre, avec le peu de connaissance que nous avons des Orthoptères, l’histoire des espèces d’Amérique et d’Australie. On a reçu tout récemment au Muséum une espèce probablement inédite, ressemblant d’aspect au P. migratorius, et qui couvre parfois de ses nuages obscurcissants le ciel de la Nouvelle-Calédonie, si tristement célèbre en nos temps troublés. Peut-être vient-elle d’Australie.

Un dernier mot pour les Parisiens. On rencontre en abondance dans nos environs une espèce qui vole sur les vignobles et les coteaux, mais qu’on ne peut pas appeler dévastatrice, car ses dégâts sont insignifiants. Elle appartient au genre Œdipoda, Latr., à poitrine plate, mais avec des cavités latérales sur la tête que n’ont pas les genres précédents. Tout le monde connaît le criquet à ailes bleues et noires de Geoffroy, Œ. cœrulescens, Linn, volant à peu près partout de la fin d’août au milieu de septembre et qu’on trouve même dans les rues excentriques de Paris bordées de jardins maraîchers et de terrains vagues. Les élytres sont d’un gris cendré, avec deux bandes transverses d’un jaune terne et le bout un peu transparent ; les ailes sont bleues entièrement bordées de noir, d’une transparence enfumée au sommet. Les deux sexes ont les organes du vol également bien développés, et le mâle à peu près moitié moindre en taille que la femelle. La couleur bleue des ailes ne passe pas au rouge par les fumées des gaz acides. On trouve plus rarement près de Paris, localisée dans les lieux les plus secs, une variété dite germanica Charpentier, où le bleu des ailes est remplacé par un beau rouge, tout le reste de l’insecte demeurant pareil. Ce criquet à ailes rouges de Geoffroy, remonte moins au nord que l’autre. On le rencontre à Lardy en aussi grande quantité que le type bleu ; il est bien moins commun à Sénars. Il manque en Belgique et sur les falaises arides du nord de la Bretagne, où le bleu s’envole à chaque pas devant le promeneur. Je ne l’ai jamais pris à Compiègne, tandis que le cœrulescens y abonde. Il est facile de distinguer la variété rouge d’avec le P. stridulus, et cependant des auteurs recommandables s’y sont trompés. Chez le criquet stridule les élytres sont brunâtres et sans bandes, les ailes inférieures rouges ne sont qu’incomplètement bordées de noir, seulement au côté extérieur, et le bout n’est pas transparent ; enfin les organes du vol se raccourcissent chez les femelles.

Il nous reste à faire un historique rapide des ravages des criquets en France et en Algérie, à indiquer les moyens bien incomplets de s’en préserver ou plutôt de les restreindre.

Maurice Girard.

La suite prochainement.


L’ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES.

(Suite et fin. — Voy. 155 et 234.)
2e session. — Congrès de Lyon. — Août 1873.

Pendant la durée de la session, il y eut deux séances générales, le vendredi 22 août et le lundi 25 ; les questions qui y furent traitées ne convenaient peut-être pas toutes à cette nature de séances et auraient pu sans inconvénient être renvoyées aux sections. On entendit successivement, le vendredi, M. l’abbé Ducrest, qui fournit des renseignements sur la station préhistorique de Solutré, que l’on devait visiter en excursion ; M. Gaudry, professeur au Muséum d’histoire naturelle, qui fit connaître le résultat de ses recherches paléontologiques au mont Léberon (Vaucluse) ; le docteur H. Blanc, chirurgien-major de l’armée britannique, qui lut une partie de son travail sur le choléra, dont, nous avons déjà parlé ; M. A. Dumont, ingénieur en chef des ponts