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Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/778

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— Gamin ! grand gamin ! Ah ! les garçons quels chenapans incorrigibles !…

Cependant je m’étais avancée. Il fallait bien que Maxime m’aperçût.

— Ah ! la petite Taverley, sans doute…

— La petite Marianne, dit Mme Gannerault. Embrasse Maxime, ma mignonne. Tu n’es pas jaloux, mon Max ? dit-elle en me repoussant doucement comme pour ménager la susceptibilité du Benjamin.

— Pas le moins du monde, répondit Maxime avec insouciance.

Il m’embrassa du bout des lèvres et mon parrain ayant reparu, tout le monde se mit à table. Maxime racontait les histoires du bahut, expliquant les causes de sa dernière consigne… Je crus comprendre qu’il s’agissait d’un livre introduit par fraude… Mais ce n’était pas la faute de Maxime ; il le prouvait clair comme le jour :

— Tu vois bien, papa…

— Je ne vois rien… Je sais que tu es un truqueur, un rebelle, un indiscipliné… Avec ton intelligence — une intelligence remarquable ! — avec ta facilité, tes qualités brillantes, avec… avec… tu ne feras jamais rien, que chercher tes aises, aux dépens d’autrui s’il le faut…

La voie irritée de ma marraine s’éleva :

— Pierre, en voilà assez… Vous êtes l’homme le plus sévère, le plus dur… Vous exagérez tout… Laissez donc cet enfant tranquille. Rien n’est plus mauvais que les querelles pendant le repas… Ce pauvre enfant n’est pas si solide, avec la mauvaise nourriture du lycée !…

— Mais, mon amie…

— Non, non, c’est trop ! Il faut que vous empoisonniez l’existence de mon fils, comme vous avez empoisonné la mienne. Si au moins j’avais des compensations d’une autre espèce !… Mais vous n’avez même pas su garder votre situation…

Le déjeuner est brusquement interrompu. Ma marraine crie, Maxime plaisante, M. Gannerault courbe le dos et se réfugie dans son cabinet, et moi, petite fille de neuf ans, que personne ne semble voir, j’apprends à connaître un nouvel aspect de la famille.

Ces scènes instructives se renouvelèrent souvent pendant les années qui suivirent. Maxime, bachelier, fit son volontariat d’un an, puis prépara sa licence en droit. Je grandissais sans qu’il