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cet Androclès, dis-je, n’est pas un Dieu ! Mais prie le ciel que cela tourne à ton avantage ! Brûle de l’encens ! Réjouis-toi ! Mon fils va chercher la jeune fille, tout de suite. La nécessité est souvent notre souveraine à tous ! et maintenant, sois sage ! si tu maries ta fille malgré sa faute, plus de colère inutile.

Nicératos. — Prépare tout chez toi ; de mon côté, je vais faire les apprêts.

Déméas. — Te voilà charmant ! je rends mille grâces aux Dieux ! il n’y a rien de vrai dans ce que je croyais tout à l’heure ! (Ils rentrent chacun chez eux).


(La scène précédente terminait l’acte dont le mouvement est allé croissant. Dans l’acte qui suit (peut-être était-ce le cinquième) l’action repart sur un rebondissement : les choses une fois arrangées, Moschion veut se venger des soupçons dont il a été victime, de la manière que nous allons voir).



Scène première

Moschion, seul. — Quand je me suis vu lavé de l’accusation portée contre moi, certes, je me tins pour satisfait, pensant que c’était là une chance assez grande ! Mais à présent que je repasse l’histoire en détail et que je fais mon compte, je suis tout à fait hors de moi ! je suis au comble de l’indignation en songeant au crime que mon père m’imputait ! Pour sûr, si l’affaire s’arrangeait pour la jeune fille, si je n’étais pas retenu par tant de liens, serment, amour, temps, habitudes, qui me rendent esclave, je ne paraîtrais pas devant celui qui m’a cru si coupable ! Non ! je filerais d’Athènes ! je partirais au loin, quelque part : à Bactres ou en Carie où je porterais la lance… là bas !… Mais tu es cause, Plangon, mes amours, que je ne me conduirai pas en homme ! Je ne puis pas ! je n’en ai pas la permission d’Eros, souverain maître de mon âme ! Pourtant, je n’aurai pas la bassesse et la lâcheté de me laisser faire entièrement ! je veux lui faire peur, tout au moins… oh ! en paroles seulement !… je vais lui annoncer mon départ. À l’avenir, il regardera davantage à se donner des torts envers moi, quand il verra que je ne le prends pas à la légère ! (Survient Parménon). Mais voici que justement paraît au bon moment celui que je désirais le plus !



Scène II

MOSCHION, PARMÉNON.

Parménon, à part. — Par le très grand Zeus, j’ai travaillé comme un imbécile, comme un homme de rien ! N’ayant nul reproche à m’adresser,