Page:La Nouvelle Revue, volume III-13 (janvier-février 1910).djvu/12

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j’ai pris peur et j’ai fui mon maître[1] ! Mais qu’ai-je commis pour cela ? Voyons, examinons les faits un à un, comme cela, clairement. Le fils de la maison s’est mal conduit envers une jeune fille libre ! Rien à dire à Parménon, bien sûr ! Elle est devenue mère ! Ce n’est pas la faute de Parménon ! Le mioche est entré chez nous ! C’est lui qui l’a apporté, ce n’est pas moi ! Quelqu’un de la maison a tout raconté ! Là encore quel mal Parménon a-t-il fait ? aucun. Pourquoi donc t’enfuir ainsi, crétin ?… Parce que Déméas m’a menacé du fouet… c’est ridicule ! que savait-il ? Oui, mais quelle différence y a t-il entre un châtiment mérité et un supplice injuste ? La honte est pour les sots !

Moschion. — Hé ?

Parménon, apercevant Moschion. — Salut, toi !

Moschion. — Laisse là tes balivernes et rentre au plus vite !

Parménon. — Pourquoi faire ?

Moschion. — Apporte-moi ma casaque et un sabre !

Parménon. — Que je t’apporte un sabre !

Moschion. — Et rapidement !

Parménon. — Pourquoi faire ?

Moschion. — Va et fais en silence ce que je t’ai dit !

Parménon. — Mais pourquoi faire ?

Moschion. — … Que je prenne une étrivière et…

Parménon. — Pas du tout !… J’y vais !

Moschion. — Alors pourquoi ces lenteurs ? (Parménon rentre dans la maison). Maintenant, mon père viendra me trouver… il va me supplier de rester… il suppliera pour rien pendant un certain temps… il le faut… Ensuite, quand je le jugerai bon, je me laisserai fléchir. Il faut me montrer clément puisque, par Dionysos, je n’ai pas la force de faire ce que je dirai… Le voici : il a fait crier la porte en venant.

(Revient Parménon).

Parménon. — Tu me sembles retarder complètement sur les événements de chez nous ! Tu ne sais rien ! tu n’as rien entendu d’exact ! et tu te donnes du tourment pour rien !… on fait le repas des noces !

Moschion. — Eh bien ! ce manteau ?

Parménon. — C’est ton mariage qu’on célèbre ! en ce moment, on sacrifie… et pas qu’une victime ! on les suspend dans les flammes d’Héphaïstos[2].

Moschion. — Eh bien ! ce sabre ?

Parménon. — Il y a beau temps que les gens t’attendent !

Moschion. — On m’attend ? pourquoi ?

Parménon. — Et la jeune fille…

Moschion. — Que de lenteur !

Parménon. — Tu nages dans le bonheur ! tu n’as aucun mal ! courage !

  1. Cf. Supra, la scène où Déméas essaye de confesser Parménon.
  2. Parodie du style tragique.