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Page:La Nouvelle Revue - 1898 - tome 114.djvu/678

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ménages gais et en célibataires aimables. Si, de par la volonté des ministres, y échouent quelques personnes d’humeur sociable, elles se découragent bien vite dans leurs tentatives pour galvaniser cette torpeur, et elles n’y font pas long feu.

La mondanité est réduite à sa plus simple expression, à peu près tout l’effort portant sur des diners aussi excellents que mortels. Deux théâtres plus que médiocres, car il n’est pas de bon ton d’y aller, et lasse de n’y rencontrer que soi, la garnison même n’y fréquente guère. On pense si la jeunesse s’ennuie férocement à X…, les garçons ayant pour unique distraction des beuglants nauséabonds, ainsi qu’un cercle ou la culotte sévit dans des proportions très en désaccord avec l’état de leur escarcelle, les filles attendant avec impatience le mari qui leur donnera une émancipation relative et, pendant quelques mois au moins, le mouvement du voyage de noces et l’illusion d’amour de la lune de miel. Triste séjour vraiment, pour qui n’a pas, afin de se tenir compagnie, ou du génie ou de la sainteté.

Si les plaisirs légitimes et sains font si cruellement défaut, à plus forte raison y a-t-il disette de ceux que réprouve la morale. Les femmes du monde sont invraisemblablement vertueuses, quelques-unes à leur corps défendant, mais que faire ?… Il faut bien hurler avec les loups.

Trois exceptions seulement à cette austérité générale. D’abord une belle madame appartenant à la première noblesse du pays, de qui les goûts de luxe s’accordent mal avec une fortune fort réduite par le malheur des temps. Et le mari, amant aussi fervent de la dame de pique que de la dame de cœur, couvre de son pavillon une intimité fort déplacée avec le gros banquier juif de l’endroit, à laquelle, disent les méchants, il trouve aussi son compte. Aujourd’hui qu’on ne peut plus vivre du revenu de ses terres, que deviendrait-on si on ne faisait un peu travailler son capital ? Et il faut bien être conseillé, n’est-ce pas, quand on n’est point né dans la maltôte ? On est quand même en relations avec la marquise, — que voulez-vous ?… sa situation s’impose. Mais on lui revaut en propos cette coupable compromission avec les principes. C’est le gros potin local, servi aux nouveaux venus dès le débotté, et dont on rougit certes, mais non sans en tirer quelque vanité secrète, car cela prouve que la ville cependant n’est pas tellement vieux jeu. Moins éclatant parce que bourgeois, celui de la femme de l’architecte du département. Nullement lionne pauvre, celle-là ; mais