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Page:La Nouvelle Revue - 1898 - tome 114.djvu/685

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Aussi s’ennuyait-il cruellement chez lui, d’où il ne cherchait qu’occasions de sortir.

X… n’en offrait guère. S’il avait voulu, il n’aurait pas eu à chercher bien loin des distractions. Mais il était galant homme, et plutôt que de trahir l’amitié, il eut le courage de jouer le rôle ingrat de Joseph. Mme Larive lui en voulut mal de mort, et essaya de se consoler en tombant dans les bras d’un jeune lieutenant qu’elle avait affolé plutôt qu’il ne l’avait séduite.

Il n’y a que le premier pas qui coûte. Isabelle perdit toute mesure, et on se le dit dans la garnison. Était-ce chez son mari aveuglement ou insouciance ? Toujours est-il que la ville commençait à clabauder très haut sans qu’il parût se douter de rien. Un jour enfin, inopinément revenu de voyage, il trouva chez lui le premier ténor du Grand Théâtre, et sur l’heure, qui était fort avancée, les jeta tous deux dans la rue.

Son moi philosophe, lui dit bien ensuite que le ridicule qui s’attache à pareille infortune est dû principalement à l’éclat qu’on en fait. Cependant son moi mari était aussi meurtri de la mésaventure que le commun des mortels à qui elle échoit. D’ailleurs le scandale était tiré, il fallait le boire. Pas d’enfants, ce qui simplifiait tout. Le divorce fut prononcé, et secouant la poussière de ses pieds, Pierre Larive, en congé régulier d’un an, partit pour Paris où - donnant raison au proverbe — la chance venait de mettre son nom en vedette par de sensationnelles études sur le théâtre contemporain.

Presqu’en même temps, Jacques de Montdauphin quittait la Saône et Garonne, appelé au poste qu’il convoitait d’attaché militaire à Rome. Et de nouveau les deux amis furent séparés.

Dix années s’écoulèrent avant que le destin les rapprochât. C’était hier à dîner chez la duchesse de Rouergue. Les cheveux de l’un et de l’autre ont grisonné, mais là s’arrête la symétrie des changements survenus. Le soldat a suivi sa filière, promu chef d’escadron à un beau choix, et après deux longs séjours dans les ambassades en Italie, puis en Russie, aujourd’hui classé au… ième cuirassiers, quartier de l’École Militaire. Toujours brillant, toujours séduisant, alourdi un peu, comme il arrive souvent aux hommes de cheval quand ils ont doublé le cap de la quarantaine. En somme