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LE ROMAN D’UN RALLIÉ

d’un été, les jeunes filles menèrent une joyeuse existence de sport et de plein air ; tous ces tableaux passent et repassent devant lui, mais en morceaux comme les images à reconstituer qu’on donne aux enfants pour les faire tenir tranquilles en les amusant. Les soldats du général et les maîtresses de la pension défilent à travers le récit en compagnie d’une vieille négresse qui sauva la vie à Mary et d’un Indien qui lui apprit à faire du filet. Ce sont les Adirondacks qui fixent le mieux la pensée d’Ada. Elle décrit le beau paysage tranquille et solitaire, les grands bois, les montagnes qui sont rouges le matin et violettes le soir, le lac avec ses berges de roseaux où s’enfoncent les canoes canadiens en écorces d’arbre, le retour des chasseurs portant le gros gibier sur leurs épaules, la pêche aux lanternes dans les ruisseaux bruissants. — Le club est installé dans des bâtiments rustiques ; il y a vingt à vingt-cinq chambres réservées aux familles des membres qui se font inscrire en temps voulu. Les autres se logent, sous des tentes ; même beaucoup préfèrent cela. On respire mieux.

Quand le dîner prend fin, Étienne est saisi de remords à l’endroit de son autre voisine à qui il n’a pas dit deux mots. Que pensera-t-elle des français !… Heureusement qu’elle avait un flirt à sa gauche ! Ada, se reproche d’avoir trop parlé. « On croira encore que je suis bavarde ! se dit-elle, et certes rien n’est plus injuste. » Mais ni Étienne ni Ada ne se rendent compte que Mary Herbertson a été l’unique objet de leurs pensées, et le centre de tous leurs discours.

III

En attendant que les innombrables volumes dont se compose la bibliothèque du Congrès américain aillent, avec l’homme aimable et distingué qui veille sur leur bien être, habiter le palais somptueux qu’on leur construit, c’est dans l’atmosphère un peu lourde et sous la lumière un peu jaune de leur premier domicile que se poursuivent les patientes recherches des érudits et les douces somnolences des flâneurs. Le vieux monde n’a pas le monopole de ces deux catégories d’individus auxquels les bibliothèques publiques fournirent de tout temps, un terrain d’entente et de rapprochement. Les premiers ont besoin des seconds et vice versa.

    dans les Adirondacks, montagnes situées au nord de l’état de New-York, près de la frontière canadienne.