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Page:La Nouvelle revue, nouvelle série tome 19, 1902.djvu/224

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LA MARTINIQUE ET L’ATLANTIDE

il était scientifiquement permis de remettre la main sur la clef de cette énigme.

C’est la tâche qu’a entreprise un savant Américain, et l’originalité de ses données a le mérite tout particulier de n’être empruntée à personne. Dans un livre qui a fait sensation aux États-Unis et qui en est, si nous ne nous trompons, aujourd’hui, à la trentième édition, M. Ignatius Donnelly énonce les propositions suivantes :

1. — L’Atlantide a existé réellement. Elle faisait face, dans l’Océan Atlantique, à l’embouchure de la Méditerranée, et, aux âges tertiaire ou quaternaire, elle faisait partie d’un continent Atlantique, dont les bouleversements maritimes et géologiques la détachèrent.

2. — Cette Atlantide, qui est la même que celle dont parle Platon, fut le berceau des civilisations. De là partirent des navigateurs, aventuriers intrépides, qui allèrent peupler les rives du golfe du Mexique, du Mississipi, de l’Amazone, la côte du Pacifique dans l’Amérique méridionale, les lieux riverains de la Méditerranée, la côte occidentale de l’Europe et de l’Afrique, les rivages de la Baltique, de la Mer Noire et de la Caspienne.

3. — Cette même Atlantide était le centre du monde antédiluvien ; là se trouvait l’ombilic du globe, le pays où l’humanité vivait dans la paix et le bonheur, goûtant tous les fruits de cette période d’or dont l’Éden, le Jardin des Hespérides, les Champs Élyséens, les Jardins du roi des Phéniciens Alcinous, les Asgard Scandinaves, les mythes égyptiens et helléniques furent non les symboles mais les témoins. Les divinités de la Grèce, de l’Inde, du Nord étaient en réalité des rois ou des reines, des héros ou des personnages renommés de l’Atlantide et les exploits qu’on leur attribue ne sont pas plus douteux que ceux des souverains ou des guerriers de notre temps.

4. — L’Atlantide fut aussi le premier foyer de la religion et de ce culte du soleil qui, par des colons, se transporta en Égypte et au Pérou. La civilisation égyptienne n’était, dans ces conditions, qu’un écho, peut-être une copie de celle toute florissante dans l’Atlantide avant Ménès en Afrique et avant les premiers adorateurs du feu en Amérique. Et c’est aussi de l’Atlantide que les ouvriers du bronze et du fer se transportèrent dans d’autres régions où l’on connut plus tard l’usage des métaux ; de la même façon que l’alphabet de l’Atlantide, enseigné aux Phéniciens, se communiqua, en subissant des altérations successives, jusqu’aux populations de l’Amérique centrale[1] ; enfin l’Atlantide fut le siège primitif de la race originelle dont les Aryens, les Indo-Européens, les Sémites, les Touraniens ne formèrent que des branches.

5. — Cette Atlantide périt dans une des convulsions de la nature reprenant son bien et rentrant violemment en possession de ce que l’audace humaine lui avait ravi. Les éléments, terre, eau, feu, air, se liguèrent pour recouvrer leur propriété dont les Prométhée et autres téméraires s’étaient rendus maîtres, et l’Océan dévora, de concert avec les flammes souterraines, les habitants de l’Île et l’Atlantide elle-même. Quelques hommes — bien peu — purent se sauver sur des embarcations, sur des radeaux, et allèrent au loin, dans

  1. Cette théorie concorde avec celle qui fut partiellement prouvée par un orientaliste français, Terrien de la Couperie, enlevé prématurément à la science philologique. Dans ses Babylonians Records il a essayé de démontrer que le Chinois et l’Assyrien cunéiforme n’étaient qu’une même écriture. Il a établi en outre que les Chinois n’étaient pas, comme on l’avait cru pendant des siècles, des peuples autochtones, qu’il y a eu des Chinois avant la Chine, et que les origines de celle-ci se trouvaient dans une civilisation antérieure à toutes celles dont parle l’histoire.