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LA NOUVELLE REVUE

toutes les directions, raconter les détails de ce déluge dont le tableau a été décrit par les poètes de toutes les nations et demeure comme une attestation de la victoire suprême de la Mère universelle des êtres sur l’ambition de ceux qu’elle a engendrés.

II

Nous ne retenons ici du travail de reconstitution de l’Atlantide que ce qui se rapporte à la catastrophe dans laquelle cette île disparut. La solution de cette partie du problème étudié par M. Donnelly suffira pour répondre à ceux qui considèrent les phénomènes de ce genre comme impossibles en vertu des lois et des forces mêmes de la matière. S’il est prouvé que l’île, vue par ceux qu’interrogea Solon, s’est abîmée dans la mer sans que celle-ci, impitoyable dans son œuvre, en ait laissé paraître à sa surface aucun vestige, si cette destruction entière a été géologiquement vraie, si enfin les autres cataclysmes, tremblements de terre, éruptions de volcan, ne sont, comme celui qui engloutit l’Atlantide, que des modes différents de ce que l’on pourrait appeler la vengeance de la création sur la créature orgueilleuse et usurpatrice, on peut redouter, dans un avenir plus ou moins prochain, le retour de semblables désastres, et, quoi qu’on en dise, on se trouve devant l’incertitude sur l’avenir des petites Antilles et des autres groupes insulaires.

Tous les continents qui existent aujourd’hui étaient primitivement couverts par les océans, toutes les roches dont ils sont composés, en toutes les couches qui forment leurs assises, étaient, aux âges reculés, complètement sous-marines. Une partie de ces hauteurs rocheuses ne sont que des débris de continents repris par la mer après des bouleversements dus aux volcans et aux causes sismiques ou après de séculaires érosions. Ces débris, d’abord charriés par les flots, sont devenus des sédiments successivement surélevés par les dépôts nouveaux arrêtés à la même place. Il en est résulté que là où était la terre il y a eu reprise de possession par l’eau, et là où existait au début l’océan, il y a eu apparition et développement par surhaussement de la terre ou de la roche. L’archipel australien en offre l’exemple : ses différentes îles ne constituaient, à l’origine des temps, qu’un même continent s’étendant de l’Inde à l’Amérique du Sud, continent auquel les savants ont donné le nom de Lémurie et qui fut, suivant quelques géologues, le premier où prit naissance la race humaine. De même la constitution géologique des États américains de l’Atlantique où les