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où vivait Corbière), et obtint d’entrer comme dessinateur à la Vie Parisienne. Il y publia des vers :

Peintre, il jouait de la musette
et musicien de la palette


(a-t-il dit lui-même). Jamais on ne vit de dessins signés Corbière à la Vie Parisienne. La littérature le passionnait et le captiva complètement ; il eut alors l’idée de réunir ses poèmes. Son père consentit à payer une partie des frais d’édition. Les Glady, qui devaient disparaître peu de temps après, se chargèrent de la publication. »

Et c’est tout… et c’est peu. Il serait intéressant de mieux connaître dans quel milieu vécut Tristan Corbière. Nous le savons en rapport avec Hamon, le peintre néo-grec, l’auteur du guignol mythologique qui fut au Luxembourg, en contact avec Besnard, sans plus amples détails. Connut-il des artistes comme lui dessinateurs et poètes comme André Gill dont la Muse à Bibi a parfois comme un reflet de certaines pièces des Amours Jaunes ? Vit-il les Montmartrois du temps, Chatillon, etc. ? Il serait intéressant de connaître à qui il put comparer son évidente personnalité autrement que par la lecture ; il a apporté de Bretagne l’essentiel de son livre, Gens de Mer, le Sommeil, le Poète contumace toutes les pièces où s’affirme le meilleur de sa valeur d’art, il n’en a pas apporté le parisianisme qu’il a tenté de toutes ses forces de réaliser, en avance en cela sur tous ceux qui tentèrent après lui, et quelques-uns sans l’avoir lu, cette voie de modernisme, en parallélisme avec Charles Cros, dont certains poèmes nerveux et parodiques ont avec les siens des analogies de points de départs.

Repris, après que la sensation du lecteur s’est dépouillée de la sympathie qui va au méconnu, considéré non plus comme un livre qui a droit à une réparation, mais en lui-même, quel apport de nouveauté est inhérent Corbière ? L’impression d’une personnalité, et d’une sincérité, malgré les poses, malgré des affectations qui ne font qu’accentuer cette sincérité fondamentale. Le livre le donne tout entier, mais par parcelles ; car il ne s’est pas raconté, et c’est seulement par ce qu’il glisse ou laisse passer de lui dans des épisodes, qu’on le devine très fin, très nerveux, très chercheur de neuf et parmi la littérature et parmi ses sensations. Il se tient sans cesse en bride, s’arrête au bord de l’émotion, ou du moins la condense en peu de vers, en un vers, si bien que l’essentiel de ce qu’il a à dire ne tient en son œuvre que peu de place.

Comme tous les jeunes gens, se croyant riche de temps, il ne va pas au bout de ses idées, il les effleure seulement, tourne facilement court,