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en remettant le reste à un prochain livre de vers. Des concetti ont vieilli ; c’est ce qui devient le plus vite caduc dans une œuvre ; ses ironies contre le romantisme sont un peu effritées. Des byronismes gamins sur la femme et la vie de Paris ont été assez repris pour que, quoiqu’il les ait peut-être dits le premier, ils laissent tout de même l’impression qu’on les a déjà vus, et d’avoir été facilement exprimés.

Mais il demeure une impression de poète triste, de poète triste à sa façon, haïssant la déclamation et déterminé à dire ses douleurs personnelles avec un accent de personnalité. Il a travaillé, ayant oublié les livres et les systèmes ; son recueil de poèmes est un de ceux où l’on s’entretient du plus près avec le poète, peu soucieux de vous cacher ses misères, désireux surtout de vous montrer qu’il les supporte très élégamment.

Rechercher un lien d’unité entre lui et les autres poètes maudits, c’est bien inutile. Il n’a point d’esthétique à conséquences certaines ; il n’a pas de théories. Il n’a jamais songé, comme Mallarmé, à reconstruire un art, ni comme Villiers à imprégner d’une philosophie les formes littéraires de son temps. Il n’a eu que la haine de l’impersonnalité et des allures moutonnières de la littérature venant jeter dans des moules pareils des sensations semblables et traduites du même verbe avec ces expressions que Laforgue dénomme si justement dans des notes sur Corbière : les soldes poétiques.

Il n’a point eu d’influence. Personne n’est reparti à sa suite dans cette amusante et douloureuse parade, et nul livre n’a depuis donné cette impression de fête foraine, pleine de bruit et de sarcasmes, avec des clowns douloureux et pailletés, soucieux d’expliquer le pourquoi de leurs grimaces, et de dire leurs douleurs et leurs gaietés exacerbées, pour ainsi dire, en majeur et en mineur, sur le ton clair de la farce et tout à côté sur le ton sombre d’une sorte de vocero triste. Ce fait de ne pas avoir éveillé d’échos n’est point pour le diminuer ; l’arc est difficile à tendre. Si, parmi les poètes, quelqu’un a fait un effort plus violent pour s’inscrire lui-même en notations précises sans se couvrir de philosophie ni de symbole, ce serait Arthur Rimbaud, l’Arthur Rimbaud de la Saison en Enfer.

C’est déjà bien du passé que cette republication des Amours Jaunes, ces Poètes Maudits, la recherche par les symbolistes des poètes à qui on avait fait tort. Le cours des ans apporte aux choses des différences, et les nouvelles optiques ne ménagent point toujours les anciens points de vue qui furent et souvent demeurent des vérités.

Huysmans, qui, jadis, dans son À Rebours, jeta si pêle-mêle toutes les idées de ces années-là, amalgamant les élégances de M. de Montesquiou, les fantasmagories d’Odilon Redon, les recherches ingénues