Aller au contenu

Page:La Nouvelle revue, troisième série, tome 04, 1908.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment, luxuriante abondance des épisodes, longueur exagérée des thèmes, déconcerte et donne parfois une impression d’incohérence, d’illogisme, de gaucherie et de vide ; même parfois aussi, et le plus fréquemment, l’impression du génie tout puissant, et vainqueur souvent des règles étroites qui cherchent à le brider.

Les Allegros sont admirables, soit qu’ils mettent aux prises comme celui de la 8e symphonie un thème chevaleresque, héroïque et fier avec plusieurs thèmes de fatalité » de douleur et de mort ; soit qu’ils chantent, enfiévrés de passion religieuse, le tragique combat des puissances des ténèbres contre les puissances du jour, ou qu’ils se précipitent, exultant de la joie auguste « d’un St-Jean écrivant une apocalypse qui serait claire et rayonnante. » Les Adagios sont des prières lentes, ferventes, des extases mystérieuses, des ravissements mystiques, des souvenirs mélancoliques et doux ; celui de la 8e est une symphonie funèbre et triomphale d’une beauté épique ; et les Scherzos ont une violence inouïe qui n’a d’équivalent que dans ceux, de Beethoven ; le scherzo de notre symphonie est un des plus caractéristiques. Les brücknériens croient que leur maître a voulu peindre les ébats grossiers et les danses lourdes du paysan d’Autriche. C’est une phrase de Brückner qui justifie pour eux cette interprétation. Der deutsche Michel traümt ins Land hinaus, a-t-il dit du trio du scherzo. Par Deutsche Michel le maître entendait le bon et brave paysan qu’il avait connu dans sa province natale, et qu’il avait mis, le bizarre et pieux musicien, sous l’invocation de « son meilleur ami, l’archange saint Michel ». De fait, ce thème martelé, si simple et d’allure si populaire (on pense aux notes si comiquement paysannes du basson dans la danse des villageois de la Pastorale, mais ici elle n’ont pas le même air placide, et sont emportées dans un furieux élan), ces octaves massives qui ont l’air de fouler lourdement le sol, évoquent bien l’idée d’une danse villageoise, qui bondit, s’échauffe, et court jusqu’à l’essoufflement. Et le trio est une rêverie délicieuse, en pleine nature ; de lointaines sonneries de cor prolongent jusqu’à l’infini l’horizon verdoyant. Quant aux Finales, a part celui de la 4e symphonie (Romantique) qui est une chasse étincelante et vertigineuse, Brückner en a fait de prodigieuses apothéoses ; ils sont l’éclatant aboutissement de toute la symphonie. « Tout (dans le cours de la symphonie), dit M. W. Ritter, est tenu dans une perpétuelle fluctuation des pianissimo les plus moites, les plus subtilement estompés, à un forte chaleureux, ample et sourd, très ménagé, de façon à aboutir par des gradations d’une délicatesse qui les rend à peine sensibles, des gradations qui évoluent dans l’amplitude la plus magnanime, à l’excessif du finale où l’on atteint à une intensité de fournaise et d’éblouissement, à la plénitude d’exaltation enfin, portée comme sans s’en douter par une marée immense qui a duré tout le laps de la symphonie. Le déluge dut monter ainsi… Et ce n’est pas autrement que cuit du lait… » Dans la finale de la 8e symphonie, construit sur